Mécénat de compétences : et si vous faisiez don du savoir-faire de vos salariés ?

23 juin 2020 - mis à jour le 19 avr. 2023

6min

Mécénat de compétences : et si vous faisiez don du savoir-faire de vos salariés ?
auteur.e
Victor Gosselin

Rédacteur

contributeur.e

Pour une entreprise, il existe plusieurs manières de faire des dons. L'une d'elle consiste à mettre le savoir-faire d'un salarié au service d'une organisation.

C’est le mécénat de compétences ! Celui-ci permet à une entreprise de mettre le savoir-faire de ses collaborateurs à disposition d’un projet d’intérêt général pour quelques heures, quelques jours ou même quelques mois. Comment ça fonctionne ? Quels types d’organisations sont concernés ? Comment en bénéficier en tant que salarié ? On vous dit tout !

Mécénat de compétences : commençons par une définition

Le mécénat traditionnel consiste, pour une entreprise, à soutenir librement un projet ou une cause d’intérêt général (restauration de bâtiments publics, restauration d’œuvres d’art, etc.) grâce à des dons, notamment financiers ou techniques.

Dans le cas du mécénat de compétences, le principe est le même, à ceci près qu’il s’agit, pour l’organisation, de mettre les compétences de ses salariés à disposition d’une cause d’intérêt général. Il s’agit donc d’une forme de mécénat en nature. À ne pas confondre avec le bénévolat de compétences, qui consiste pour le salarié à faire bénéficier de son savoir-faire à une association durant son temps libre.

Cette formule se développe de plus en plus, notamment dans les entreprises de plus de 100 salariés. Selon une étude de l’Admical, 96 000 structures la pratiquent déjà en France.

Le mécénat de compétences revêt différentes formes

La prestation de services

L’entreprise fournit gracieusement à l’association ou l’institution bénéficiaire un service spécifique, ou réalise une tâche prédéfinie. Exemples : une entreprise générale de bâtiment restaure un bâtiment public, une agence de communication réalise le site Internet d’une institution culturelle, un salarié effectue du mentorat via une association, etc.

Le prêt de main-d’œuvre

Concrètement ? L’entreprise mécène met temporairement un – ou plusieurs – de ses collaborateurs à la disposition de l’organisme bénéficiaire qui devra superviser ses missions et veiller au respect des conditions de travail dudit salarié. L’entreprise mécène reste néanmoins le seul employeur du point de vue juridique et social.

Mécénat de compétences : quels avantages ?

Pour le salarié

  • Le sens : à une époque où les salariés ont de plus en plus besoin de trouver du sens dans leur travail, effectuer des missions de mécénat de compétences est un excellent moyen d’avoir un véritable impact positif sur le monde et de changer son quotidien en faisant quelque chose qui a du sens sans pour autant passer par la case « je quitte tout ».

  • Le développement de compétences : le fait de travailler sur des problématiques très différentes de celles que le salarié est habitué à traiter au quotidien est aussi enrichissant et lui permet d’acquérir de nouveaux savoirs et compétences.

Pour l’entreprise mécène

  • L’impact social : le mécénat de compétences est une manière de s’engager et de défendre des valeurs en apportant son aide et son expertise à un organisme qui en a besoin.

  • L’image de marque : c’est également une occasion de valoriser sa réputation en agissant positivement et gracieusement, donc de faire rayonner sa marque employeur.

  • La défiscalisation : le mécénat de compétences est défiscalisé et permet à l’entreprise de déduire 60 % des salaires des salariés en mission, au prorata des heures de travail proposées gracieusement.

Pour l’organisme bénéficiaire

  • Une expertise gratuite : recevoir le soutien d’un expert est essentiel pour progresser et poser un regard neuf sur son activité. C’est un moyen de prendre conscience de ses failles et de ses erreurs, d’évoluer et de progresser.

  • L’acquisition de nouveaux atouts : bien sûr, bénéficier de conseils ou de prestations gratuites est essentiel pour des organismes à but non lucratif. Accueillir son public dans un lieu nouvellement restauré, faire bénéficier ses membres de conseils gracieux ou pouvoir communiquer grâce à un nouveau site Internet représentent des atouts indéniables.

Le salarié mis à disposition a des droits

Le code du travail encadre très précisément le mécénat de compétences.

    1. On ne peut pas obliger un salarié à effectuer une mission de mécénat de compétences. Si l’entreprise lui propose une mission qui, pour une raison ou une autre, ne lui convient pas (lieu de travail trop éloigné, nature de la prestation qui ne lui correspond pas ou ne lui plaît pas, etc.), il a parfaitement le droit de refuser sans que cela puisse entraîner de sanction ou de discrimination.
    1. Selon l’article L8241-2, il doit avoir donné son accord écrit avant toute mise à disposition, dans un avenant à son contrat de travail qui précisera : la nature des tâches qu’il aura à effectuer, les caractéristiques du poste qu’il occupera ainsi que le lieu et les horaires de travail.
    1. Dans le cas d’un prêt de main-d’œuvre, au cours de sa mission, le salarié bénéficiera des mêmes avantages que ceux de l’organisme où il intervient.
    1. La mission qu’on lui confie doit correspondre à ses compétences. Autrement dit, on ne peut pas lui demander de s’improviser maçon-couvreur s’il ou elle est habituellement comptable dans votre entreprise !
    1. Le comité d’entreprise ou les délégués du personnel de son entreprise doivent être consultés avant le début de la mission et avoir connaissance des conventions signées. Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) doit, lui aussi, être informé si le poste occupé dans l’organisme bénéficiaire figure dans la liste de ceux présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés.
    1. À la fin de sa mission, il doit retrouver son poste d’origine ou un rôle équivalent, avec les mêmes conditions de travail et de rémunération qu’auparavant. Durant toute la durée de sa mission, sa couverture sociale ne change pas.
    1. Le mécénat de compétences doit concerner des missions ponctuelles, même si celles-ci peuvent durer plusieurs mois, par exemple dans le cas d’une restauration de bâtiment. Cela signifie que l’employeur ne peut pas, tout à coup, décider d’assigner à un salarié un nouveau poste définitif chez l’entreprise bénéficiaire.
    1. Le mécénat de compétences n’est pas du bénévolat : la mise à disposition est effectuée sur le temps de travail. On ne peut en aucun cas demander au collaborateur d’effectuer une mission de mécénat de compétences en dehors de ses horaires de travail ou en plus de sa charge de travail habituelle.
    1. Le mécénat de compétences ne doit pas avoir un but lucratif : il ne peut pas être un outil de développement commercial, une manière d’éviter d’avoir à recruter ou une façon de faire de l’optimisation fiscale. Si un tel cas se présentait, le concept même de mécénat de compétences perdrait tout son sens.

Un exemple de mécénat de compétences : Novencia et le programme Women in Tech de Social Builder

Initié par Social Builder, Women in Tech est un programme développé par Emmanuelle Laroque depuis 2015, qui vise à donner envie aux femmes de rejoindre la filière du numérique. Pour y parvenir, plusieurs programmes ont été mis en place, dont les programmes « Étincelles » qui se déroulent sur quatre mois en intégrant des briques techniques (formation pour acquérir les compétences clés) et des briques plus transverses, comme du coaching en lien avec le savoir-être. C’est dans ce cadre que Social Builder a recours au mentorat, une forme de mécénat de compétences mettant en relation des professionnels du numérique et des femmes suivant le programme Women in Tech. Les mentors sont volontaires et en poste, une dimension essentielle car c’est ce qui leur permet de partager leur expertise.

Pour Alexandre Léger, qui supervise les programmes « Étincelles », « Le mentorat est l’un des éléments les plus forts du programme même si ce n’est que deux heures par mois. Grâce au mentorat, on peut aller chercher des experts spécialisés, engagés, qui vont être capables d’apporter une vraie force de développement et fournir aux femmes exactement ce dont elles ont besoin. Il y a beaucoup de confiance, de partage, de bienveillance et d’inspiration dans cette relation particulière. C’est enrichissant pour les deux parties, c’est une expérience valorisante et instructive ». Il ajoute que « sans mécénat de compétences, le programme Women in Tech ne serait pas aussi efficace et il serait impossible de recruter une personne capable d’effectuer le même travail que tous ces mentors ».

Céline Cherqui, recruteuse et RH chez NOVENCIA Group, a été mentor dans le cadre de ce programme et a accompagné une femme dans sa recherche d’emploi. Cela a été pour elle à la fois une façon de s’engager pour l’égalité hommes / femmes, une volonté d’aider une personne à s’en sortir, et une démarche personnelle. « En m’associant à ce programme, j’ai souhaité mettre mes compétences au service d’une personne, appelée Étincelle, pour l’aider dans sa démarche de recherche d’emploi. Mon parcours de recruteuse et de manager dans le secteur du numérique lui a permis de voir le monde du travail à travers un prisme différent de celui abordé dans sa formation. Mon rôle de mentor a été de guider “mon étincelle” et de l’accompagner dans sa réflexion, pour qu’elle trouve sa voie et qu’elle ait les moyens de ses ambitions », explique Céline.

Cet exemple de mécénat de compétences constitue une expérience déterminante pour les mentorées, mais elle est aussi très enrichissante pour les mentors. « *Devenir mentor m’a aussi permis de faire un point sur mon parcours personnel et professionnel. J’ai réalisé que le métier de RH, ancré dans une démarche de bienveillance et tourné vers l’autre, me correspondait toujours et était en adéquation avec ma volonté de m’engager dans des actions altruistes. Et puis, en y participant, j’ai pu aider une femme à trouver un emploi, à mieux comprendre ce qu’elle voulait et qui elle était. Je n’en retiens que du positif, je renouvellerais cette expérience avec plaisir !* », conclut Céline.

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Article mis à jour par Sylvain Guillet et édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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