Shaker : comment former au mieux ses collaborateurs ?

01 déc. 2017

7min

Shaker : comment former au mieux ses collaborateurs ?

85% des emplois de 2030 n’existeraient pas encore aujourd’hui. Développement des entreprises, croissance ou la faute à l’ère de la startup nation, il semblerait que nous ne soyons pas au bout de nos suprises en termes de nouveaux métiers qui composerons notre paysage professionnel.

Comment s’adapter à ces nouveaux métiers en devenir ? Que mettre en place pour continuer de former ses collaborateurs ? Où s’informer et faire sa veille pour rester actualisé ?

Lors de notre événement Shaker du 29 novembre 2017, trois professionnels ont répondu à ces questions :

Plus qu’un enjeu légal, la formation est un enjeu moral

Un enjeu d’employabilité et de développement personnel des salariés

« Plus qu’un enjeu légal, c’est un enjeu moral. » : Jordan Defas, HR Manager chez Bel France pose le décor. Pour lui, le rôle d’un RH est avant tout d’assurer l’employabilité de ses collaborateurs mais aussi dans leur potentielle mobilité, interne ou externe.

Ce à quoi s’accorde Caroline Vandermarcq : « En tant que start-up, on n’ a pas attendu que cela soit une obligation légale ni d’avoir un budget conséquent pour proposer des programmes de formations, mais on s’est adapté, d’abord en mettant en place des programmes de partage de compétences entre les employés eux-mêmes. »

Est-ce un dû ou récompense pour l’employé ?

« Chez Bel, chacun sait qu’il a le droit à une formation minimum par an et attend ces moments privilégiés avec impatience. » déclare d’emblée Jordan Defas. Si la formation est présentée comme un « » chez Bel, elle peut aussi être considérée comme une « récompense » ou un signe de « reconnaissance » dans d’autres entreprises.

« Si l’on propose une formation à un salarié, c’est qu’il le mérite, que l’on croit en lui et que l’on pense à son développement. » - Marine Sassi, Responsable Formation Groupe de Lacoste

Tout dépend, en fait, du budget alloué : toutes les entreprises ne peuvent pas décemment former tous ses employés et doivent faire des choix. L’essentiel est de bien faire comprendre la démarche pour ne pas créer de frustrations.

La formation est au coeur de la stratégie et reflète les valeurs de l’entreprise

La formation, bras armé de la stratégie

Tous nos speakers se sont accordés pour dire que la formation est un véritable levier de la stratégie de l’entreprise. Elle permet notamment de pousser des parcours spécifiques auprès des collaborateurs et/ou de préparer certains métiers aux compétences de demain. Chez Lacoste, la formation est même un outil au service de la transformation globale de l’entreprise. Elle a, en tous cas, pris tout son sens au moment où l’entreprise a pris le tournant du digital. Pour Marine Sassi pour Lacoste « Le/la RH est le bras droit de la stratégie globale. »

Elle reflète et révèle les valeurs de l’entreprise

C’est aussi et surtout le reflet des valeurs de l’entreprise. Pour Marine Sassi, la formation « découle directement des valeurs » parce que « être manager chez Lacoste c’est différent qu’être manager ailleurs. » Jordan Defas s’accorde sur ce point et témoigne : « Une de nos valeurs est le « care », on aurait du mal à « faire du care » sans proposer des formations à l’ensemble de nos collaborateurs. » C’est en effet un moyen idéal pour l’entreprise de mettre en pratique ses valeurs et s’assurer que celles-ci sont comprises et partagées par tous. La formation s’intègre notamment dans le processus d’onboarding, car elle permet au salarié, dès la prise de poste, de se plonger dans la culture d’entreprise et d’en comprendre les spécificités. Le but in fine est de créer un vrai sentiment de cohésion et d’appartenance : « on veut montrer que tout le monde est embarqué dans la même aventure ».

Chez Evaneos, c’est l’inverse : c’est la formation qui a permis de formaliser la culture d’entreprise. Comme dans beaucoup de startups, les valeurs étaient diffuses, immatérielles, mais extrêmement fortes, et le management, lui, très horizontal. Mais face à la croissance des équipes, le besoin de structuration et de transmission d’un héritage commun s’est fait sentir. Avant de partager ces valeurs via des programmes de formation, il a fallu « mettre des mots dessus », de manière informelle au début puis par un long travail collectif (questionnaire, brainstormings,…) qui a duré un an. Depuis « elles sont portées par tous, transmises à chaque nouveau collaborateur et même devenues un critère de recrutement », explique la DRH d’Evaneos.

Une démarche ROIste ?

Impact sur la réussite de la stratégie de l’entreprise

Le retour sur investissement est un point clé pour le RH car c’est sur ce point qu’il doit tout particulièrement se justifier auprès des dirigeants. Tout l’enjeu est de faire comprendre que la formation est capitale pour l’entreprise aussi bien pour accompagner son évolution qu’en terme de rétention et d’attractivité « marque employeur ».

Mais Jordan Defas met en évidence la complexité de mesurer les KPIs (Key Performance Indicators) de la formation.

« Personne n’a la formule magique mais les indicateurs traditionnels tels que le taux de rétention, le taux d’attractivité sont déjà très révélateurs. » - Jordan Defas, HR Manager de Bel France

Chez Evaneos, c’est d’ailleurs un vrai argument pour le recrutement et beaucoup de candidats se renseignent en amont, notamment lors des entretiens, pour connaître ce qui est mis en place en interne à ce sujet.

L’importance des feed-backs

Il apparaît également essentiel de mesurer la qualité des formations en demandant, automatiquement et à plusieurs reprises sur le long terme (à chaud puis à 6 mois, 1, 2 ans…), des feed-back aux collaborateurs. « Est-ce que l’entreprise vous a bien accompagné dans le développement de vos compétences ? La formation a-t-elle répondu à vos attentes et vos aspirations professionnelles ? Est-ce que vous avez éventuellement pu changer de métier en étant accompagné ? » Ce sont les questions qu’il est, selon eux, essentiel de poser aux employés pour pouvoir évaluer la formation.

Collectif ou sur-mesure ?

Un nécessaire mix entre collectif…

« La formation peut concerner n’importe quel type de collaborateur : un top talent, un leader, un opérateur… peu importe. On fait d’ailleurs des formations où tout le monde est mélangé pour créer un sentiment d’appartenance et donner un sens à nos valeurs. » - Jordan Defas, HR Manager de Bel France

Jordan Defas explique « Les formations techniques ou spécifiques, comme celles proposées aux managers, ont leurs raisons d’être mais face à cette crise de sens au travail, c’est essentiel de pouvoir lier : partage de sens, partage de principes de management, compréhension des compétences à développer et actions concrètes à mettre en place. L’idée c’est de sortir de formation et de savoir pourquoi je l’ai faite, en quoi cela va me servir et comme tout le monde l’a faite autour de moi, je partage avec eux un langage commun et des représentations qui vont dans le même sens. »

… et sur-mesure

« Les salariés ne veulent plus d’un catalogue dans lequel piocher, ils ont besoin d’être guidés. Néanmoins, cela reste le moyen le plus rapide de donner accès à un maximum de choix. », affirme Jordan Defas. Il poursuit :

« Être bien formé dans son entreprise, c’est être formé selon ses qualités et ses points de progrès propre et certainement pas selon une liste de compétences à acquérir ou d’un parcours. » - Caroline Vandermarq, DRH de Evaneos

C’est pourquoi chez Evaneos, ils ont instauré deux programmes distincts de formation : « un pour les managers et un pour l’ensemble des évanéossiens. » Mieux, ils ont pour projet de créer un « Evaneos Campus » où « tout le monde partirait trois jours et demi en dehors des bureaux pour être formé à la fois sur son métier, sur le leadership et sur un autre métier que le sien, au risque que les salariés quittent l’entreprise. », explique Caroline Vandermarcq.

Mais finalement, une formation réussie est une formation où un collaborateur et son manager travaillent main dans la main. Marine Sassi, Responsable Formation du Groupe Lacoste conclut : « l’idéal est de mêler plusieurs dispositifs au sein de parcours complets : psychométrique (se connaître soi-même), 360° (retour d’expérience de son environnement) et techniques plus traditionnelles (avis d’expert(s)) » et souligne également qu’il est intéressant de permettre à ses collaborateurs de se nourrir de témoignages extérieurs pour comprendre comment cela se passe ailleurs.

Qu’en est-il de la formation de demain ?

Le RH dans un rôle d’anticipation des besoins de demain

Face à un marché du travail qui évolue vite et aux attentes toujours plus fortes des entreprises, les salariés doivent désormais se former toute leur vie professionnelle. Ceci étant dit, le rôle du RH est croissant : « Nous ne pouvons plus nous permettre d’être en réaction permanente mais devons nous positionner comme de vrais stratèges aux côtés des dirigeants. » affirme Jordan Defas, et d’ajouter « On doit pouvoir se projeter sur les compétences à maîtriser en 2025 et ainsi penser toute l’organisation en fonction et adapter les parcours de formation relativement en amont. »

L’impact du digital

L’avenir du « traditionnel catalogue » est déjà là. En effet, le digital rend la formation plus accessible et moins contraignante pour les employés. Les MOOCS, notamment, « à la carte et en illimité » sont disponibles dans d’immenses bibliothèques en ligne. Et la mesure de la performance en est améliorée : « On arrive à calculer le temps passé, quels sont les parcours réalisés jusqu’à la fin ou non… » indique Jordan Defas. En revanche, cette multiplication d’acteurs peut être difficile à gérer. « Le RH doit faire le tri pour proposer le meilleur, mais aussi capitaliser sur cette richesse existante, quel que soit le format. »

De nouvelles pédagogies

Leur gros enjeu futur sera de s’adapter aux dernières innovations en terme de pédagogie : « Une start-up a développé un algorithme pour évaluer la capacité d’apprentissage de chaque employé. » indique Marine Sassi pour Lacoste. Toujours en termes de formations et d’outils pédagogiques innovants, Jordan Defas chez Bel France cite notamment : « les formations immersions à l’aide de lunettes 3D, très utiles pour des formations terrains. » Des technologies qui risquent bien de bouleverser le secteur.

Les conseils à retenir :

  • Ne pas considérer la formation comme une obligation légale mais comme un vecteur de performance collective, un reflet des valeurs de l’entreprise et un bras armé de la stratégie.
  • Comprendre la formation commeun enjeu marque employeur et l’utiliser comme un vrai argument auprès des candidats
  • Ne pas négliger la puissance de la formation inter-employés et valoriser le temps passé par un employé à former les autres (reconnaissance, prime, variable…)
  • Marketer la formation pour la légitimer, la rendre attractive et compréhensive aux yeux de tous les collaborateurs.
  • Bannir les formations dites « one shot » mais miser sur des parcours longs avec un véritable suivi, une mesure de la performance et une récolte des feed-backs.
  • Impliquer les managers comme ambassadeurs de la formation.
  • Laisser des employés être force de proposition sur leurs envies et besoins de formations tout en les guidant et en mettant en place un cadre strict et de la transparence, notamment en terme de budget.
  • Faire le tri dans la multiplicité d’acteurs (coachs, écoles, etc.) et sur l’existant (articles de développement personnel,…) et sur les nouvelles technologies.
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